Par Angeline Montoya et Sandrine Morel(Madrid, correspondante)
Publié le 05 février 2021 à 18h12

Inocente Orlando Montano, ancien vice-ministre du Salvador chargé de la sécurité, le 8 juin 2020 à Madrid.
KIKO HUESCA / AFP
Il aura fallu que s'écoulent plus de trente longues années et l'aboutissement d'une procédure complexe pour que justice soit enfin rendue. Mercredi 3 février, la Cour suprême espagnole a confirmé la peine de cent trente-trois ans de prison prononcée en première instance, en septembre 2020, contre l'ancien vice-ministre du Salvador chargé de la sécurité, le colonel Inocente Orlando Montano, par l'Audience nationale, le haut tribunal chargé des affaires de terrorisme et de crime organisé.
Aujourd'hui âgé de 77 ans, M. Montano a été reconnu coupable de l'assassinat de cinq jésuites espagnols, en 1989, dans le cadre de ce que la Cour a défini comme du « terrorisme d'Etat ». S'il est peu probable, au vu de son âge, qu'il purge l'intégralité des trente ans effectifs d'emprisonnement maximum, la sentence n'en reste pas moins « historique », comme l'ont souligné aussi bien les familles de victimes et l'Association pro-droits de l'homme d'Espagne (APDHE), qui s'étaient portées partie civile, que les organisations internationales défendant les principes de la « justice universelle ».
En 1989, le massacre des jésuites avait bouleversé l'opinion publique internationale et marqué un tournant dans la guerre civile qui faisait rage depuis dix ans au Salvador avant de prendre fin avec les accords de paix du 16 janvier 1992. La reconstitution des faits est « un récit d'horreur », a résumé la Cour. Dans la nuit du 15 au 16 novembre 1989, au sein de la résidence de l'université Centroamericana José-Simeon-Cañas (UCA), à San Salvador, cinq jésuites espagnols et un Salvadorien sont réveillés dans leur sommeil, ainsi que la cuisinière des lieux et sa fille, âgée de 15 ans, par « un commando composé d'une quarantaine de soldats, appartenant au bataillon d'élite des forces armées, entraînées par l'armée des Etats-Unis, fortement armés et équipés ». Sans la moindre capacité de se défendre, ils sont emmenés dans la cour, où les militaires leur ordonnent de s'allonger ventre à terre, avant de leur tirer dans la tête des salves de fusils d'assaut AK-47 et M-16.